Je pense souvent au fait que l’on a créé le langage pour se dire ce qui ne peut être deviné, pour faire le pont entre moi et toi, pour donner vie en nommant.
Pourtant, depuis toujours, je me surprends à penser plus souvent que je n’aimerais “Je regrette d’avoir parlé”. Si vous n’avez jamais regretté d’avoir parlé, laissez-moi vous dire que c’est une sensation très désagréable que cette envie de ramasser à la pellette les mots tombés de notre bouche, et de faire machine arrière pour revenir à avant.
Le langage est essentiel pour se sentir vu, pour créer et imaginer dans une même direction, pour donner du sens au passé. Et pourtant, tout ne peut pas être dit, ni à tout le monde, ni n’importe quand.
Quelle pression.
Une histoire de TENSION
Il y a quelques années j’ai réalisé que ce qui caractérisait le vivant n’était pas l’équilibre mais la tension. Nous sommes perpétuellement en tension entre ce que l’on a et ce que l’on veut, les acquis et les à acquérir, entre la parole et le silence1.
Ce que je trouve fascinant avec la parole c’est que si tu ne dis rien, tu ne peux pas te plaindre d’être incompris.e. Mais si tu dis, tu prends le risque de cristalliser un moment, une idée, une émotion et tu peux te retrouver prisonnier.e de mots qui ont perdu de leur vérité pour toi au moment même où ils sortaient de ta bouche et devenaient une réalité pour l’autre.
Nous avons affaire, parfois, lorsque nous parlons, à un problème de jet-lag verbal.
Il existe de multiples configurations où parler n’est pas une évidence, où l’on doit faire ce choix pénible de décider si l’on se tait, si l’on se lance, si l’on demande à l’autre ce qui se passe, si on laisse couler, si on attend encore un peu.
Et si je vous raconte tout ça c’est parce que ce thème, cette tension entre la parole et le silence est ce qui lie les deux premiers livres que nous publions avec La Fourmi Éditions, la maison d’édition que j’ai co-fondée il y a quelques mois. Ça n’était pas prémédité, ça n’aurait pas pu l’être, mais il semblerait que les muses continuent de voler bas et de semer les graines des sujets qu’elles ont envie de voir abordés2. Et il semblerait qu’on ait envie de parler de la parole, du silence, et de tout ce qui peut se loger autour et entre.
Il y a beaucoup de raisons qui ont motivé ma décision de me lancer dans La Fourmi Éditions3, et probablement l’une des plus importantes était l’envie de proposer des récits courts qui pourraient être facilement partagés et donc qui pourraient facilement provoquer la discussion.
Depuis plusieurs années maintenant je réfléchis, je crée, j’écris, je parle du pouvoir des histoires, et de leur importance non pas comme objet de divertissement dans nos vies mais comme piliers de notre espèce pour évoluer. Plus je maîtrise le sujet et plus je réalise qu’une histoire a trois vies, le moment où elle est conçue et le moment où elle est découverte, et le moment où elle devient un pont entre des personnes. La troisième vie d’une histoire a tendance à disparaître, la troisième vie d’une histoire c’est le point de bascule entre un divertissement et une participation à notre ADN culturel.
J’ai connu cette période joyeuse où nous avions accès à la lecture, à la télé, au cinéma, où la production d’histoires avait augmenté mais où le temps n’était pas fragmenté. Nous regardions les mêmes choses au même moment et nous nous retrouvions le lendemain pour en parler. Cette étape où l’on mâchouillait, débattait, hypothèsait, sur ce que l’on avait compris, aimé, rejeté, c’est cette étape qui imprimait les histoires en nous et les transformait en compagnonnes de croissance collective.
Nous vivons dans une période intense, la vitesse et la masse d’informations nous engloutit et moi ce que j’aimerais c’est arrêter le temps, reprendre le temps, s’autoriser précieux, s’autoriser moins, et s’autoriser exigeant. J’ai envie de pouvoir dire à quelqu’un “Tiens, pose-toi trente minutes, lis ça et on en parle après”.
C’est tout ce que l’on essaye de faire avec nos deux premiers livres.
La semaine dernière nous avons lancé les préventes, c’est-à-dire que vous pouvez acheter nos livres maintenant, avant qu’ils ne soient en vente en librairies à partir du 9 septembre. Acheter nos livres maintenant c’est une façon de nous soutenir, cela nous permet de créer la trésorerie et de comprendre la pré-demande.
Nous vous proposons deux histoires qui abordent, à leur façon, dans leur style narratif et leur sensibilité artistique cette grande question : faut-il tout se dire quand on s’aime ?
Je suis très fière que Aucune notification, la nouvelle de Pauline Harmange, et Synthétique & Toxique, le roman graphique de Chien Fou, soient les deux premiers livres que nous sortons. Je suis convaincue, pour l’avoir vécu ces derniers mois, qu’ils offrent cette opportunité d’entrer dans un univers dont on a ensuite envie de parler avec d’autres. J’espère que vous serez intrigué.e, tenté.e, séduit.e., notre but étant avant tout de vous offrir des histoires qui restent et fassent leur chemin dans vos coeurs. Si vous voulez en savoir plus sur notre maison d’édition, sur nos livres, sur qui nous sommes, vous pouvez :
En avril j’ai aussi co-créé puis vécu une mini-résidence artistique de 12h sur une péniche, j’en parle un peu ici . Elle a fait un écho direct à ma newsletter sur le luxe en open source. J’ai accompagné 90 personnes qui ont fait l’atelier Étirement, la Pratique et ont créé en trois semaines une mini-expo, une radio-pirate, un fanzine et une carte. C’était la troisième fois que je faisais cet atelier, plus de 300 personnes y ont participé en tout. C’est une expérience puissante, en digital. Je me suis dit que ça serait bien d’organiser un pique-nique dans le monde palpable pour aussi se voir, se parler, trébucher, être maladroit.e, rire (j’espère), s’ennuyer (peut-être) ensemble. L’étirement continue. Si vous avez fait l’un des trois ateliers vous recevrez un email dans quelques semaines à ce sujet.
Et au mois de mai, je participerai le 18 à une table ronde sur les archives et les nouveaux récits lors du Family Pride Festival organisé par le Collectif Familles à la Cité Fertile, à Paris (c’est gratuit). Et si l’univers le veut bien, je marcherai à nouveau avec
sur les routes de Bretagne, cette fois.En attendant le futur, si le coeur vous en chantonne maintenant, si votre porte-monnaie vous le permet, si vous êtes d’humeur à partager, vous pouvez allez voir nos futurs livres, possiblement les acheter, peut-être aussi les partager.
Merci d’avoir lu jusqu’au bout et à bientôt, dans la vie palpable, sur le groupe Circulation pour s’échanger des histoires, ou dans des interstices que nous découvrirons ensemble.
Nathalie
Énumération non-exhaustive.
Est-ce que vous avez remarqué les cycles de sujets qui nous traversent ? Il y a encore quelques mois tout tournait autour de l’Amour romantique, et ce depuis trois ans, et tout à coup le nouveau grand sujet est devenu l’Amitié. Des livres fleurissent de partout, des posts, des podcasts. Je trouve ça fascinant d’imaginer toustes ces humain.e.s qui soudainement se retrouvent inspiré.e.s par le même sujet.
Une décision qui peut sembler contre-intuitive à un moment de notre Histoire où on peut se demander s’il est nécessaire de couper des arbres pour produire encore plus d’histoires ou si ça vaut le coup de prendre des risques financiers pour mettre en avant des histoires écrites par des humain.e.s quand les nouveaux programmes d’Intelligence Artificiel sont déjà en train d’écrire des scénarios, des articles, des masters et des thèses à la place de.
Encore une fois une missive que je spread à mon entourage, full support et haut les cœurs ! Résonance. 🌸
Par rapport à ta dernière note de bas de page, les résultats restent moyens (et qu’est-ce qui les rendrait « excellents » lorsque ce ne sont pas des textes scientifiques ?). J’ai suivi un séminaire sur la technocreation passionnant et qui parlait de la pratique de l’écriture, de celle de la création plus largement. Cette pratique ne peut être remplacée par l’IA et c’est ce qui me paraît passionnant dans la création : la pratique, l’artisanat qui la sous-tend.