J’ai passé une grande partie de ma vie à me sentir complètement isolée dans ma créativité : sans réseau professionnel, sans amix faisant la même chose, sans communauté s’intéressant à mon travail. Pourtant j’ai toujours aspiré à faire groupe, j’ai toujours rêvé d’être entourée de personnes passionné.e.s, stimulant.e.s, qui me bousculeraient dans leurs idées, avec qui je monterai des projets fous. Je me suis souvent demandée ce que ça ferait d’aller dans des salons littéraires, d’être dans des espaces créatifs foisonnants, d’être invité.e dans les clubs intellectuels.
Pendant des années qui se comptent en décennies j’ai eu un sentiment de solitude créative qui générait de la frustration et de la tristesse. Je pourrai commencer à expliquer pourquoi je me suis sentie plus souvent isolée qu’entourée dans ma vie créative, qui est aussi ma vie professionnelle qui est aussi mon identité. Les raisons sont multiples et banales et quelque part, on s’en fout. Ce qui m’interpelle c’est que j’ai le sentiment que la plupart des personnes qui créent se sentent isolées.
Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître sur une planète surpeuplée et alors qu’on a réussi à inventer internet pour accéder à l’ubiquité en illimité, beaucoup de personnes qui créent se sentent isolées.
Est-ce que c’est grave ? Oui quand même, je trouve.
Déjà parce qu’on n’existe pas sans les autres, qu’on le veuille ou non. Et cette phrase sonne peut-être comme une platitude, mais elle est bien réelle quand quelqu’un fait l’expérience de l’isolement.
On a besoin des autres pour partager ce que l’on créé, pour que nos idées existent en dehors de nous. Si j’écris cette newsletter c’est bien parce que j’ai vous à qui l’envoyer. Elle va atterrir dans vos coeurs, certain.e.s d’entre vous vont m’écrire, y réfléchir, la partager. Tout cela produit de la matière collective, et même si on ne pourra jamais retracer exactement quelle phrase a provoqué telle idée, qui a engendré telle projet, cette création d’énergie à travers la mise en commun est vitale pour pouvoir accéder à certains paliers d’Eureka, de possibles, d’idée.
Car c’est un mystère mais c’est aussi une réalité : nos potentiels sont liés.
Et puisque nos potentiels sont liés et ont besoin d’entrer en contact pour se déployer pleinement, il me semble important de trouver comment sortir de l’isolement créatif. J’espère que ma logique vous émeu1.
Depuis quelques années les choses ont évolué pour moi, j’ai commencé à sortir de mon isolement créatif et j’ai vu ma joie grandir, ma vie s’améliorer et ma créativité s’épanouir.
Alors je me suis dit que peut-être je pouvais regrouper les choses que j’ai faites, au fil des années, et qui au cumul ont amélioré mon écosystème créatif. Ceci n’est pas un guide complet car je ne suis pas une personne complète, je ne vais pas vous donner de conseils sur comment réseauter à Paris car je n’habite pas à Paris, ou en soirée car je suis une introvertie à tendance misanthrope, ou quelle école d’art faire car je n’en ai pas fait. Je vais vous partager ce que j’ai fait, souvent depuis mon canapé et avec peu de ressources et de réseau mais une forte envie de participer au monde. Si vous avez des astuces, des outils et des sagesses à ajouter, la section commentaire est faite pour vous, merci d’en faire profiter le collectif.
Pas de raccourci sur le leadership de sa vie
Pendant longtemps je me suis plainte de devoir tout faire : trouver les idées, réunir les gens, trouver l’argent, proposer des trucs cool. Et puis à un moment j’ai compris que personne ne pouvait vivre ma vie créative, donc que j’aurais toujours besoin d’être leader de mes projets. Cette réalisation très simple a détruit plein d’opportunités de me plaindre mais a aussi créé beaucoup d’espaces pour la suite, la suite étant de faire lien au lieu d’attendre que “ça m’arrive” et que les gens pensent à moi.
Le meilleur moyen de réseauter en digital : être généreux.se
Partager qui on est et ce qu’on fait avec générosité pour moi ça veut dire donner des contextes, donner accès aux autres à ce qu’il y a autour du “produit fini”. Il y a mille façon de faire et chacun.e son style, mais de manière générale, poster son travail sans jamais donner d’explications, comme si on était des machines à produire de “l’art”, ne me semble pas être une posture qui aide pour créer du lien.
De la même manière, je trouve que c’est une bonne pratique d’être généreux.se dans ce que l’on fait circuler : pas seulement rebalancer une vidéo ou un post qui nous ont interpelé mais faire l’effort de créer un contexte, donc d’ajouter de soi, mais aussi de son temps. Personnellement je ne suis que sur un réseau social, c’est Instagram2, car c’est celui qui me convient et que j’aime bien. Je suis reconnaissante à son existence car c’est là que j’y ai trouvé des cercles féministes, queers, artistiques, militants auxquels je n’avais jamais eu accès avant. Malgré tous ces défauts algorithmiques, je préfère une vie avec Instagram que sans et je crois que si vous appartenez à un ou plusieurs de ces cercles, c’est un espace qui permet de découvrir beaucoup de personnes inspirantes et d’apprendre plein de choses.
Ce qui m’amène à mon point suivant :
Stratégie over Chouinerie
Suivre des personnes et des comptes qui nous stimulent, qui nous inspirent, qui nous donnent envie de créer, de se questionner, d’être une meilleure version de nous-même est une stratégie que je trouve saine.
Suivre des personnes dont on envie la vie, des comptes qui alimentent notre colère, qui nous donnent l’impression que rien ne sert à rien : je recommande moins.
Je suis toujours étonnée du nombre de personnes qui suivent délibérément des gens qui les mettent mal alors qu’il suffirait d’arrêter de les suivre.
Personnellement une ou deux fois par an je revisite la liste des comptes que je suis et je me désabonne des comptes qui ne m’intéressent plus, que je ne vois jamais, qui ne me manquent pas. Je change, le monde change, mes curiosités changent, les sources d’inspirations aussi. Tout comme tous les jours plusieurs personnes se désabonnent de mon compte pour des raisons qui leur sont propres et sans aucun doute très bonnes si, in fine, cela sert leur bien-être. Nous sommes des cycles de rencontres avec des débuts et des fins.
Fermer les Robinets, entretenir son éco-système en ligne c’est créer de l’espace pour voir les personnes qui nous intéressent apparaître sur nos écrans et de l’espace mentale pour recevoir les informations qui nous intéresse. C’est se créer un scenius digital.
Le meilleur moyen de réseauter en analogue : faire ensemble
Le plus grand hack de ma vie, et j’utilise cette expression joyeusement car j’ai vraiment la sensation de hacker le système chaque fois que je le fais, c’est de créer quand je le peux des projets qui me donnent une bonne raison de passer du temps dans la vraie vie avec des personnes que j’admire et que j’ai envie de mieux connaître. Parce que le digital c’est super, et l’ado en moi qui a failli mourir d’ennui à Reims sera reconnaissante à jamais pour l’invention collaborative d’Internet, mais le présentiel reste imbattable en terme d’épaisseur émotionnel et de croissance créative. Aussi en présentiel on peut manger ensemble, et ça ça compte.
J’ai fait un podcast qui m’a permis de poser mille questions à des personnes dont les histoires m’intéressaient et parfois d’avoir accès à des personnes qui m’auraient dit non pour un café. Faire un podcast ne rapporte pas d’argent, prends du temps, mais est une façon efficace de créer un prétexte fertile pour avoir un moment privilégié avec une personne et en faire bénéficier le groupe au passage.
Avec deux autres artistes j’organise le mois prochain une mini-résidence qui dure 12h. On a chacune invité 4 personnes pour mélanger nos réseaux mais aussi créer un éco-système qui n’aurait pas pu exister autrement.
Aucun de ces projets3 ne me rapporte de l’argent. Tous ces projets me demandent de l’argent et du temps4. C’est mon MBA de la vie, au lieu d’avoir des diplômes je créé des moments et ces moments me permettent de construire, peu à peu, des réseaux humains. Si vous ne le faites pas déjà, je vous encourage à considérer créer des rencontres du faire5. La bonne nouvelle c’est que vous n’avez pas besoin d’être artiste à plein temps, de vivre de votre art, de vous “sentir légitime”. Vous avez besoin de vous autoriser à faire un truc qui vous enthousiasme; en général la plupart des personnes sont ouvertes à l’idée de vivre un moment unique et bien pensé, même simple. Dans cette optique, si vous vivez à la campagne, vous avez une longueur d’avance pour imaginer des rencontres stylées. Je pose ça là.
Je clôture cette newsletter avec un petit sentiment de frustration car j’ai l’impression qu’il y a tant à dire sur le sujet mais comme pour la plupart des sujets, je me dis que mes manquements seront complétés par vous autres ou par mon moi futur qui avait besoin que je mette ces mots à plats pour accéder au prochain niveau de pensée.
Merci d’avoir lu jusqu’au bout et de participer à cette réflexion,
Nathalie
Nouvelles complémentaires de ma vie:
Depuis ma dernière newsletter j’ai :
fais une conférence sur le Pouvoir des Histoires que vous pouvez regarder grâce à la magie d’Internet
co-fondé une maison d’édition qui s’appelle La Fourmi Éditions. Le mois prochain on aura un site, et surtout on annoncera nos deux premiers livres. En attendant, Instagram.
si vous avez envie de faire communauté autour de l’amour des histoires vous pouvez rejoindre la communauté privée Circulation
si vous avez envie de faire communauté autour de la créativité, la prochaine session de Etirement la Pratique débute le 6 avril. Vous pouvez trouver toutes les informations ici, j’en reparlerai bientôt.
si vous avez envie d’avancer sur un projet créatif soutenu.e par un petit groupe (6 places) sur quatre mois, les candidatures pour Faire Plus Loin sont ouvertes.
C’est tout pour moi <3
Non c’est faux. Mais j’espère que vous trouvez ma logique implacable. Car ne me plaquez pas, j’ai des lunettes.
Dans la continuité de l’argument “cette liste sera incomplète”, j'e n’ai donc aucune idée de ce qui se passe sur les autres réseaux qui sont peut-être plus adaptés à votre personnalité et à ce que vous cherchez à partager.
Je parle plus longuement de comment développer des projets qui nous enrichissent, quel que soit leur résultat final dans mon atelier FAIRE
Je le redis s’il y a des personnes qui pensent que tout doit rapporter de l’argent. Non. C’est d’ailleurs rarement le cas, ça ne veut pas pour autant dire que ça n’en vaut pas la peine.
Je parle du thème des résidences dans cette newsletter si vous avez envie d’en savoir plus.
Comme d’habitude passionnant. C’est tellement bien dit - sans les autres nos vies de créateurs.trices sont un peu fades …
C'est une très belle newsletter. Moi j'ai découvert le podcast et la communauté de sens créatif, et c'est vraiment eux qui m'ont tiré vers le haut et motivé a continuer d'écrire et de dessiner 😊